« Faites l'amour, pas la guerre ». Dans sa revue hebdomadaire des nouvelles du monde de l'édition des 28/29 décembre derniers, le Financial Times signalait que la Chine intensifie ses efforts pour encourager les naissances dans la mesure où sa population se contracte. La Chine a non seulement renforcé une campagne pour convaincre les célibataires à sortir avec quelqu'un, à se marier et à avoir des enfants, mais elle a également incité les autorités locales à démarcher les femmes mariées par téléphone afin de les interroger sur leurs projets de maternité et à offrir de l'argent aux parents afin qu'ils aient plus d'un enfant.
Les universités ont été priées d'introduire des « cours d'amour » (« love courses ») pour les étudiants célibataires et des avis paraissent régulièrement dans les médias officiels pour vanter les avantages d'avoir des enfants. La population chinoise se contracte, explique le Financial Times, le nombre des décès dépassant le nombre des naissances, et les gouvernements locaux sont mis sous pression en vue de faire face à des perspectives démographiques de plus en plus sombres.
Sans doute est-ce là l'une des conséquences de la « politique de l'enfant unique », la planification des naissances mise en place par la république populaire de Chine de 1979 à 2015, politique connue de tous. Ce que l'on sait moins c'est le rôle que l'Occident et l'une des idéologies les plus mortifères de notre temps ont joué dans cet épisode tragique, marqué par la pénalisation des parents de plus d'un enfant, les stérilisations et les avortements par la force, et pire, bien pire encore.
Dans son best-seller Merchants of Despair, Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism, un livre que d'éminents écologistes brandissent pour aussitôt en dire pis que pendre et pour cause - il retrace les origines malthusiennes de leur propre idéologie -, Robert Zubrin, un docteur en ingénierie nucléaire qui se passionne pour l'avenir de l'humanité, parle des politiques de régulation des naissances dans ce qui était à l'époque le Tiers-Monde comme d'un holocauste.
L'idée dans les hautes sphères de l'administration américaine des années soixante - Zubrin cite dans son livre les noms des responsables de cette calamité ainsi que ses tenants et aboutissants - était que les enfants nés « en excès » dans les pays pauvres d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine à l'époque représentaient une valeur économique négative dès lors que de toute leur vie adulte ils ne pourraient jamais rembourser ce qu'enfants ils avaient coûté et qu'ils formeraient les bataillons de prolétaires prêts à être menés contre l'Amérique par les fomentateurs de la « Révolution mondiale ».
Un Bureau de la Population fut créé en 1966 au sein de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) avec, à sa tête, un Dr Folamour qui resta en place jusqu'en 1979, usant de sa position, accuse Zubrin, pour créer « un empire mondial d'organisations de contrôle des populations imbriquées les unes dans les autres et dotées de budgets de plusieurs milliards de dollars pour supprimer l'existence des personnes jugées indésirables par le département d'État américain ».
Qui était ce fameux Dr Folamour ? Zubrin se réfère à la description qu'en donne Steven Mosher dans un livre dévastateur, Population Control : Real Costs, Illusory Benefits : « Epidémiologiste de formation, il considérait apparemment la grossesse comme une maladie à éradiquer de la même manière que la variole ou la fièvre jaune. Il était aussi, en l'occurrence, un misanthrope belliqueux. Il s'est attelé à son travail de contraception, de stérilisation et d'avortement des femmes dans le monde avec une agressivité jusqu'à provoquer le dégoût chez ses jeunes collègues. » Un personnage charmant, ce n'était pas, résume Zubrin qui publie dans son livre une photo dudit docteur donnant l'accolade au général américain William Draper à l'occasion des quatre-vingts ans de ce dernier, autre fana d'un strict contrôle des populations, qui montrait de surcroît des indulgences pour les Nazis.
Les Docteurs Folamour ont fait des émules un peu partout dans le monde, notamment en Chine. On y revient. En juin 1978, un certain Song Jian, chercheur chinois en charge de développer les systèmes de contrôle pour missiles téléguidés, assista à une conférence internationale sur la théorie du contrôle de système à Helsinki, d'où il emporta des exemplaires de The Limits to Growth du Club de Rome et Blueprint for Survival (un essai écologiste qui mettait l'accent sur l'urgence et l'ampleur des problèmes environnementaux et dont l'un des signataires était Julian Huxley, eugéniste patenté, le premier directeur général de l'UNESCO, futur président de la British Eugenics Society, membre fondateur du WWF). Lors de son séjour, Song rencontra aussi les promoteurs de modèles d'analyse par ordinateur pour prédire et concevoir le futur de l'humanité. De retour en Chine, il s'empressa de republier le rapport du Club de Rome en son nom (sans signaler la source) et devint une superstar « scientifique ».
Lors d'une conférence à Chengdu en décembre 1979, un Song plein de faconde, armé de son Ph. D. de l'Université de Moscou et d'une masse abracadabrantesque de documents générés par ordinateur, fit, grâce à son réseau de relations dans les hautes sphères du PC chinois, face à toutes les objections et finit par convaincre le pouvoir chinois d'instaurer sa « politique de l'enfant unique ». Un ancien major général formé en URSS, du nom de Qian Xinzhong, fut chargé de l'exécution, dans tous les sens du terme, de la campagne. En 1983, il fut honoré et décoré par le secrétaire général des Nations unies, le diplomate et politique péruvien Javier Pérez de Cuéllar, pour services rendus. A l'initiative de l'UNFPA (à l'origine : United Nations Fund for Population "Activities"), le savoir-faire chinois fut promu et utilisé dans nombre d'autres pays.
Les affabulations du Club de Rome, souligne Zubrin, ont ruiné la vie de milliards de personnes de par le monde, quand elles n'ont pas tout simplement perdu la vie. Comme l'a fait observer Revel, toutes les tentatives passées de constructivisme social ont débouché sur la tyrannie, non par hasard, mais par dessein. (*)
(*) Il est fait référence à cet ouvrage de Zubrin dans Ces vaniteux nous enfumant et leurs drôles d'idées – L'Europe sous l'emprise de l'idéologie disponible sur Amazon.
Je sais pour avoir dirigé une entreprise en RPC entre 2005 et 2009 qu' il y avait des exceptions au "one child policy", dont une dans mon personnel qui avait deux enfants. Il semblerait que des exceptions étaient autorisées moyennant un arrangement fiscal ?