Le Wall Street Journal n’est pas connu pour être un organe de presse lié au PCC, ni même au Parti démocrate des Etats-Unis. C’est pourtant lui qui a publié un article de James Mackintosch intitulé « Cashing In on ‘the Infinite Money Glitch’ » sur la manière dont la famille Trump et consorts tirent profit de « l’anomalie financière infinie ».
Qu’y a-t-il de mal à profiter d’argent gratuit à l’infini ? Eh bien, plusieurs choses, estime l’auteur de l’article, relevant d’entrée que, lorsque le président Trump se lance dans une nouvelle aventure lucrative, ses fans qui l’ont suivi ont subi de lourdes pertes deux fois sur trois.
Ceux qui ont investi dans Trump Media & Technology Group (DJT), l’opérateur de sa plateforme de microblogging préférée Truth Social, ont perdu quelque 80% par rapport à son pic en bourse. Quant à ceux qui ont acheté son memecoin $Trump, s’ils l’ont fait dans les premières minutes après son lancement, ils ont pu réaliser une bonne affaire ; par contre, s’ils ont attendu le lendemain, ils ont perdu beaucoup d’argent (le cours, signale Mackintosch, a perdu environ 90% par rapport à son plus haut niveau le jour de l’investiture), leur seule consolation étant qu’ils auraient perdu plus d’argent avec le $Melania. La troisième aventure et la seule qui ait pu rapporter de l’argent à ses fans (en fonction du moment où ils s’y sont pris) est une carte numérique à collectionner sur laquelle Trump apparaît sur divers arrière-plans de super-héros : lancée à 99 $, elle se revendrait à un prix plancher de 200 $.
Tout ça n’est que roupie de sansonnet. Passons aux choses sérieuses. La nouvelle idée de la famille s’inspire du succès fulgurant d’une société connue aujourd’hui sous le nom de Strategy. En tant que société dite de « trésorerie bitcoin », elle accumule des bitcoins, vous l’aurez deviné, en s’endettant et en émettant de nouvelles actions. Elle détiendrait, selon Mackintosh, 3% de tous les bitcoins pour un montant de 70 milliards de dollars. Les actions de Strategy se négocient avec une prime significative par rapport à la valeur du bitcoin. C’est là que cela devient intéressant : chaque fois qu’elle émet des actions pour en acheter, elle ajoute mécaniquement de la valeur pour les actionnaires existants (cela se traduit par plus de bitcoins par action). Strategy a connu un tel succès, relate Mackintosch, qu’elle a figuré brièvement parmi les 100 entreprises américaines les plus valorisées.
Ce succès a donc inspiré des imitateurs, parmi eux la « première famille » elle-même. Mackintosch fait toutefois observer plusieurs choses : 1) les nouveaux actionnaires de Strategy paient plus cher le bitcoin qu’ils ne le paieraient en l’achetant directement ; 2) Strategy est un investisseur si important en bitcoins qu’il influence le cours à lui tout seul ; 3) la version présidentielle de société de trésorerie crypto présente des « différences cruciales » par rapport à celle de Strategy.
Tout ce qui brille n’est pas or
Au lieu de détenir des bitcoins, l’entité de trésorerie trumpienne détiendra des « tokens » WLFI de la World Liberty Financial, fondée par Trump et ses fils. Celle-ci a pris une participation importante dans Alt5 Sigma, une société cotée en bourse, qui a levé des fonds pour un montant de 1,5 milliard de dollars (payé pour moitié par la WLF en WLFI « maison ») afin d’acheter des WLFI et de régler quelques menues dépenses et a, dans la foulée, nommé Eric Trump à son conseil d’administration. Négociable depuis septembre, le WLFI donne droit à 5 % maximum des voix dans la gouvernance de l’USD1, le stablecoin (par définition, une crypto indexée sur une monnaie fiat - USD, EUR, etc. -, ici le dollar US), qui est l’activité première de la WLF. Si cela paraît compliqué, c’est que ça l’est.
« S’il est vrai, écrit Mackintosh, que le bitcoin n’a de valeur que parce que d’autres personnes pensent qu’il en a, il a du moins une histoire, des adeptes et un plafond quant au nombre de bitcoins pouvant être créés. Les droits de gouvernance du WLFI sur l’USD1 confèrent peut-être une valeur, minime, au jeton, mais il est difficile de comprendre pourquoi quelqu’un s’intéresserait au WLFI, étant donné qu’il n’offre aucune part dans les bénéfices de la World Liberty Financial. Il est clair que la raison principale de vouloir du WLFI est de montrer publiquement son soutien à Trump. »
Les avantages pour Trump sont évidents. WLF détient une énorme quantité de WLFI et une société affiliée à la famille Trump a droit aux trois quarts de la valeur de tout jeton WLFI vendu par WLF. En revanche, comme l’a fait remarquer un responsable d’une société de gestion d’actifs à l’auteur de l’article du WSJ, les actions de sociétés détenant des cryptomonnaies en trésorerie sont en principe de piètres candidates pour être négociées avec une prime, puisqu’il n’y a aucun obstacle à l’achat du sous-jacent, c.-à-d. les cryptomonnaies qu’elles possèdent. « Ce phénomène viole tous les principes de la finance » a-t-il exposé. Et, il conclut : « Avant, les gens devaient faire des choses compliquées pour embobiner les investisseurs. Maintenant, ils peuvent juste le faire beaucoup plus simplement. »
Le 15 septembre, le New York Times a rapporté qu’un membre éminent de la famille régnante des Émirats arabes unis a déposé 2 milliards de dollars dans la World Liberty Financial quelque temps avant que les Emirats n’obtiennent accès à des centaines de milliers de puces IA parmi les plus avancées et plus rares au monde, en dépit de craintes que ces puces puissent être partagées avec la Chine.
Le New York Times n’établit pas de lien direct entre les deux transactions, mais exprime des doutes à propos du timing. Un membre du staff de l’Institut de politique économique de la Stanford University a déclaré : « Si cela s’avère vrai, il s’agit du plus grand scandale de corruption publique de l’histoire des États-Unis, et de loin. »
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