Le Financial Times a publié le 27 mars 2025 un article dont le rédacteur, chief US economist d'un fonds d'investissement alternatif basé à Jersey avec des bureaux dans plusieurs grandes places financières, abordait la position de l'administration Trump concernant le système de taxe sur la valeur ajoutée de l'Union européenne et avançait que des droits de douane de 25 % sur les importations américaines en provenance d'Europe étaient « équitables ».
En bref, le président Trump estime que la TVA européenne crée un désavantage pour les entreprises américaines, car les exportations de l'UE vers les États-Unis ne sont pas soumises à la TVA, tandis que les exportations américaines vers l'UE le sont. L'introduction des droits de douane viserait donc à compenser ce déséquilibre et à égaliser les conditions fiscales entre les deux.
Bien qu'il soit bachelier en économie de la Wharton School de l'Université de Pennsylvanie, ce dont il s'enorgueillit, M. Trump n'est pas un économiste accompli, mais, parmi les idéologues qui l'entourent, il y en a au moins un, le président de son Comité des conseillers économiques, Stephen Miran, qui dispose d'un doctorat en sciences économiques de l'Université Harvard. (Scott Bessent, par contre, n'est pas économiste de formation. Il détient une licence en sciences politiques de l'Université Yale et doit son poste de secrétaire au Trésor à ce qu'il a été un important collecteur de fonds pendant la campagne présidentielle. J.D. Vance, le vice-président, quant à lui, fit partie du Corps des Marines pendant quatre ans et a étudié la philosophie et les sciences politiques avant d'obtenir un doctorat en droit de l'Université Yale.)
Précisons qu'il existe des différences au niveau des droits d'entrée proprement dits : à titre d’exemple, l'UE impose un taux de 10 % sur les importations de véhicules tandis que les États-Unis appliquent un taux de 2,5 % sur les voitures et de 25 % sur les camions légers. S'il y a lieu d'harmoniser les droits, c'est à ce niveau-là, en appliquant, par exemple, un taux de 2,5 % à tous les véhicules de part et d'autre. En revanche, si l'interprétation du système européen de la TVA que fait l'administration Trump et à laquelle adhère le chroniqueur du Financial Times comme consistant en une entrave au commerce n'est pas neuve et est récurrente, elle n'en est pas moins tendancieuse et erronée.
La TVA est une taxe à la consommation. Elle est payée par le consommateur final, et non par le vendeur, ni par l'importateur. Ceux-ci l'ajoutent au prix de vente et la collectent au nom de l'Etat. A la fin, c'est le consommateur qui la paie, que le produit soit fabriqué dans l'Union européenne ou importé de l'extérieur. Quand un produit est fabriqué dans l'Union européenne et est exporté, il est exonéré du paiement de la TVA européenne puisque, par définition, le consommateur n'est pas situé sur le territoire de l'UE. Ce n'est que normal, dès lors que dans le cas contraire la taxe à la consommation serait prélevée deux fois, une fois dans le pays de production et une fois dans le pays d'importation où le produit est mis en consommation.
Il faut souligner que les entreprises américaines (ou autres) ne paient pas de TVA sur leurs produits exportés vers l'UE. Elles n'ont pas de charge à supporter à cet égard. C'est le consommateur qui paie la TVA, que le produit soit fabriqué en Europe ou en dehors. Il ne s'agit pas d'une forme de subside, ni de distorsion à la concurrence. C'est un système simple, fiscalement neutre, conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Le système des taxes de vente appliqué aux Etats-Unis au niveau des Etats, voire au niveau local, est beaucoup plus compliqué. Lorsque, par exemple, une entreprise de Detroit (« Motor City ») dans le Michigan achète des composants dans un autre état, elle peut ne pas être tenue de payer la « sales tax » (taxe de vente) de cet autre Etat en raison de ce que cet autre Etat n'en applique pas (c’est notamment le cas de l'Oregon) ou à condition de produire un certificat d'exemption, mais elle peut être tenue de payer une « use tax » (taxe d'utilisation) compensatoire au même taux que la « sales tax » du Michigan (6%). (Il peut en aller ainsi dans les autres Etats.)
Ça se complique encore lorsqu'un fabricant d'un autre état des Etats-Unis est censé disposer d'un « nexus économique » au Michigan (c.-à-d. qu'il y atteint un certain chiffre d'affaires ou nombre de transactions). Il lui incombe alors l’obligation de collecter la « sales tax » pour le compte de l'Etat du Michigan. Si cela paraît compliqué, c'est parce que ça l'est, au point qu'il est souvent conseillé de faire appel à un expert fiscal pour s'assurer de la conformité.
Et, c'est sans tenir compte des divergences qui existent entre Etats américains au niveau des taxes sur les entreprises (« Franchise Tax »), de l'impôt sur les sociétés au niveau de l'Etat, de l'impôt sur les revenus des particuliers, etc. Le Texas, par exemple, n'a pas d'impôt sur les sociétés (mais l'impôt fédéral de 21% reste dû), ni sur les revenus des particuliers. Ce n'est pas incidemment que Tesla, par exemple, y a déplacé son siège social, outre qu'elle bénéficie, notamment via l'Inflation Reduction Act (IRA), d'incitations pour l'énergie propre et les véhicules électriques.
En conclusion, d'aucuns sont tellement aveuglés par l'amour trumpien qu'ils croient voir une paille dans le regard européen mais ne voient pas la poutre dans celui de l'administration américaine. Seul l'avenir révèlera à quel point l'idéologie (*) de cette dernière est anachronique et contre-productive, à commencer pour les Etats-Unis.
(*) Les Etats-Unis ne sont certes pas seuls à être sous l’emprise de l’idéologie. A commander sur Amazon : Ces vaniteux nous enfumant et leurs drôles d'idées – L'Europe sous l'emprise de l'idéologie (avec livraison gratuite en Belgique et, sous condition, en France).
une voiture fabriquée en Europe pour une valeur de 100 sera taxée de 2.5 à l'entrée + 6% à la vente = 108,65
Une voiture fabriquée aux USA pour une valeur de 100 sera taxée de 10% à l'entreé et de 21% en Belgique= 133.1
Pour la concurrence ni la TVA ni la taxe de vente n'entrent pas en ligne de compte car elles sont appliquées aux voitures locales et importées.