L'auteur et chroniqueur Harry De Paepe (Doorbraak, De Morgen, Knack), qui dans le civil est aussi professeur d'histoire à l'Athénée de Termonde en Flandre et un spécialiste du Royaume-Uni, s'est adressé le jour du Nouvel An à ses lectrices et lecteurs dans une lettre sur l'excellent site d'opinion Doorbraak. « Célébrer le Nouvel An n'est pas ma tasse de thé, admet-il d'emblée. » Dire adieu à l'année écoulée et se réjouir de la nouvelle lui paraît, à tout le moins, prématuré, car l'ancienne n'était pas tout à fait dénuée de bonnes choses ; quant à la nouvelle, elle éveille une certaine méfiance de sa part.
A ce propos, il évoque son interview de l'ancien diplomate flamand Axel Buyse qui pour la préparer lui avait remis un article du Pr Dr Mara E. Karlin, l'ancienne secrétaire adjointe américaine à la Défense, responsable stratégie, planification et ressources, se référant au stratège militaire prussien Carl von Clausewitz, selon lequel « chaque époque a sa propre forme de guerre ». Après la guerre froide, les Etats-Unis ont eu recours aux guerres de coalition (la guerre du Golfe en est un exemple), puis, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, ce fut la guerre contre le terrorisme. Les conflits en Ukraine, au Moyen-Orient et en Afrique montrent clairement, estime De Paepe, qu'aujourd'hui nous en sommes revenus aux conflits globaux.
S'adressant le 18 février 1943 au public réuni dans le Sportpalast de Berlin, Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande nazie lui lança : « Ich frage euch: Wollt ihr den totalen Krieg?! Wollt ihr ihn, wenn nötig, totaler und radikaler, als wir ihn uns heute überhaupt erst vorstellen können?! » (« Je vous le demande : voulez-vous une guerre totale ?! La voulez-vous, s'il le faut, plus totale et radicale qu'on ne peut même l'imaginer aujourd'hui ?! ») Le concept de guerre totale dans laquelle priorité est à la guerre par rapport à toutes les autres activités d'un État, qui mobilise la population et toutes les ressources disponibles et qui chamboule son économie et celles des autres belligérants, n'est pas neuf, commente De Paepe, si ce n'est qu'aujourd'hui, avec toutes les technologies disponibles et dans une économie mondialisée, cela ne se passera nécessairement pas comme en 1943.
Bienvenue en 2025, conclut-il, et, surtout, n'oubliez pas de faire ample provision de conserves et de rouleaux de papier hygiénique. Et, désolé encore, de n'avoir rien de plus amusant à vous raconter en ce début d’année.
ENERGIES FOSSILES : MYTHES ET REALITES
Dans son feu d'artifice de Nouvel An, Doorbraak a aussi donné la parole à l’ancien ministre belge des Finances, le Pr Johan Van Overtveldt, désormais le chef de la délégation de la Nieuw-Vlaamse Alliantie, la N-VA, au Parlement européen, dont il préside la commission du budget. Cet éminent économiste réagit à une étude du Fonds monétaire international selon laquelle les énergies fossiles bénéficieraient de subventions de 7000 milliards de dollars par an, soit 7,1% du PIB mondial, à concurrence de 18 % de subventions « explicites » et de 82 % de subventions « implicites ».
En fait, le FMI incorpore dans son calcul tous les « coûts sociaux externes » (des émissions de CO2 aux embouteillages en passant par la pollution) qui ne sont pas inclus dans le prix des combustibles, selon une méthodologie qui, on le devine, n'est pas exempte d'hypothèses sans équivoque. L'OCDE arrive d'ailleurs à un tout autre montant qui ne représente qu'une fraction de ce qu'a calculé le FMI. Quoi qu'il en soit, ce n'est qu'un aspect d'une réalité beaucoup plus complexe, fait observer à raison l'ancien ministre des Finances.
D'une part, les combustibles constituent une source de revenus substantielle pour les gouvernements (8 milliards, en Belgique), et, d'autre part, il faut bien reconnaître que les énergies fossiles jouent encore un rôle essentiel dans notre économie et notre société. Bien vu, cher Johan Van Overtveldt ! Etant donné que les trois eurodéputés de votre parti ont voté en faveur de la nouvelle Commission européenne, pourriez-vous en toucher un mot à Mmes von der Leyen et Ribera ?
AU SECOURS, VITE, UN BON LIVRE !
Terminons cette revue avec le billet hebdomadaire sur Doorbraak de ce maître flamand du tijdgeest qu'est le Pr Rik Torfs, l'homme aux 197.000 abonnés sur « X ». Il confie qu'il lit peu de livres et uniquement de bons livres, d'où, ajoute-t-il tongue in cheek, le niveau de qualité stratosphérique de ses chroniques. Il tombe sur de bons livres souvent par hasard, lorsqu'il en cherche absolument un à lire et qu'il rentre chez lui avec un que personne d'autre n'a envie de lire.
Au risque de faire s'enfuir ses lecteurs et les renvoyer de dépit aux joutes psychologiques auxquelles se livrent les BV (Bekende Vlamingen) à la télévision flamande, Torfs révèle s'être passionné pour la lecture du dernier opus d'Oswyn Murray, un historien de l'antiquité, membre du Balliol College de l'Université d'Oxford, qui, à 87 ans, témoigne d'une certaine fraîcheur d'esprit, car sinon, relève Torfs, on n'écrit plus de livres à cet âge. Titre original : The Muse of History: The Ancient Greeks from the Enlightenment to the Present (« La muse de l'histoire. Les Grecs anciens de l'époque des Lumières jusqu'à nos jours »).
Avant que vous ne vous en alliez vaquer à vos basses besognes, sachez que l'idée du livre est que les Grecs anciens, malgré qu'ils semblent aujourd'hui bien morts, n'arrêtent pas d'évoluer. Platon, Sophocle, Alcman, Aristote, Euripide ont tous changé de personnage au fil des siècles. Ils font un voyage passionnant à travers l'histoire, en modifiant le cours et se transformant eux-mêmes dans le même temps. Murray porte sur l'histoire un regard différent de celui de nos contemporains : ceux-ci, constate Torfs, veulent « tirer des leçons de l'histoire ». Ils ne se rendent pas compte que, ce faisant, ils ne se basent pas sur une histoire objective, mais sur leur propre idéologie (*), qu'ils utilisent pour réécrire le passé et en tirer les leçons qui leur plaisent. Il y voit un raisonnement circulaire dans sa perfection.
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