« Avoir accès à Ursula von der Leyen devient plus important pour une entreprise que d'avoir de meilleurs produits », écrit Ivan Van de Cloot, l'économiste en chef et le CEO de la Fondation Merito et l'auteur de plusieurs ouvrages dont Overheid + Markt (traduit du néerlandais : Pouvoirs publics + marché), sur Doorbraak.
Les pays occidentaux, constate ce leader d'opinion respecté en Région flamande, sont économiquement plus vulnérables au XXIe siècle qu'au siècle précédent lorsque régnait encore le « consensus de Washington », à savoir, en substance, la stabilité monétaire et la rigueur budgétaire. Désormais, le paradigme dominant penche vers plus de protectionnisme avec plus de droits d'importation et un plus grand laxisme vis-à-vis des entreprises monopolistiques.
Bien sûr, dit-il, la tentation est pour le personnel politique de prendre les mesures les plus susceptibles de rallier le plus de monde possible à leur cause, quitte à ignorer si ces mesures sont avisées sur le plan économique. Dans de nombreux pays, elles risquent d'ailleurs plutôt de conduire à un capitalisme de connivence et à un manque de dynamisme. C'est le cas dans l'Union européenne.
Il faut aussi tenir compte de ce que créer de la croissance économique dans les économies matures est de plus en plus difficile que dans les pays qui accusent un grand retard technologique et ont un fort potentiel de rattrapage. Van de Cloot cite le professeur d'économie américain de l'Université de New York, William Easterly, un spécialiste du développement et de la croissance économique, qui a calculé que dans les 52 pays qui ont le mieux suivi le « consensus de Washington », la croissance du produit intérieur brut (PIB) n'a été en moyenne que de 2 % par an entre 1980 et 1998, un taux dont, soit dit en passant, la Belgique, l'Allemagne et nombre d'autres en Europe ne peuvent aujourd'hui que rêver.
Il est beaucoup question d'intelligence artificielle, poursuit-il. Le marché boursier anticipe déjà les bénéfices qu'elle pourrait générer dans les prochaines années, voire décennies. Son impact quotidien sur le fonctionnement de nombreuses entreprises reste toutefois limité. Certes, on peut le surestimer dans les trois prochaines années et le sous-estimer dans une perspective de cinq à dix ans, mais, quoi qu'il en soit, il est évident qu'avec une Commission européenne qui veut tout régler par la réglementation, l'Europe restera à la traîne par rapport à d'autres pays économiquement beaucoup plus ambitieux.
A titre d’exemple, Narendra Modi, le premier ministre indien, souhaite que le PIB par habitant de son pays dépasse le seuil des hauts revenus avant 2050, avec une part de l'industrie dans le PIB de l'Inde passant de 16% à 25%. De même en Indonésie, l'accent est mis sur une croissance économique la plus rapide possible, car on sait pertinemment que, dans quelques décennies, le pays sera touché par le vieillissement démographique.
Tous les pays qui ont de tels projets ne réussiront pas, concède Van de Cloot. En effet, très peu de pays ont maintenu un taux de croissance de 5 % ou plus pendant cinq ans, et moins encore pendant 25 ans. Le protectionnisme n'y aidera pas, parce qu'il prive ceux qui s'abritent derrière lui du capital et du savoir-faire extérieurs par manque d'ouverture et la productivité en souffre. Dans tous les cas, une politisation de l'économie est contreproductive.
Des chercheurs, comme Dani Rodrik de l'Université Harvard, montrent que l'Union européenne distribue déjà autant d'argent à l'industrie que la Chine. Le problème, lorsque l'on sème l'argent à tout vent, c'est qu'en fin de compte, il devient difficile de distinguer ce qui fonctionne vraiment et ce qui ne fonctionne pas. L'économie de l'hydrogène est-elle durable ? Ou s'agit-il d'une illusion créée par les bureaucrates de l'UE ? s’interroge Van de Cloot. (Poser la question n'est-ce pas y répondre ? Cf. L'utopie hydrogène du Pr Dr Ir Samuel Furfari.)
Dépendre des seuls pouvoirs publics pour diriger une économie n'a jamais fonctionné (voir le bloc communiste d'antan) et ne fonctionnera jamais. Encore faut-il que l'initiative privée embraie et qu'il y ait un véritable marché, c.-à-d. un facteur de rentabilité économique soutenant le projet industriel envisagé, sans que la manne financière des pouvoirs publics n'en soit l'unique motivation. Sur ce point, observe Van de Cloot, la comparaison entre les États-Unis et l'Union européenne est pénible. Quand la stratégie économique est déterminée principalement par les états-majors politiques, les chiffres en rouge ne disciplineront rien. Ils n'inciteront qu'à ériger encore d’autres châteaux de sable.
Les exemples de réussite économique montrent que les pouvoirs publics devraient plutôt s'en tenir à investir dans les infrastructures et la recherche, bâtir un cadre économique favorable à l'activité, avec une fiscalité prudente et une réglementation intelligente, conclut Van de Cloot. « Ce qui est le plus stupéfiant chez les nouveaux visionnaires de la politique industrielle, c'est qu'ils ne se souviennent guère des folies interventionnistes du passé. » Idéologie, quand tu nous tiens ! (*)
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GRAND MERCI pour ce texte aussi clair que réaliste!