L'expression est de Johan Sanctorum sur Doorbraak. Né en 1869 dans le village de Pokrovskoïe et mort assassiné le 17 décembre 1916 à Pétrograd, Grigori Raspoutine faisait profession de mystique, de prophète et de guérisseur. Il était le confident d'Alexandra Feodorovna, l'épouse du tsar Nicolas II et jouissait d'une influence certaine au sein de la cour impériale russe. Non que Musk courtise Melania, mais il a directement l'oreille du tsar républicain candidat à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump. Pour faire dans l'hyperbole véridique, Sanctorum parle d'une « bromance zoals geen ander » - pareille à nulle autre. L'IA est au coeur de l'affaire.
Le vendredi 25 octobre, lors d'une réunion publique organisée sur sa plateforme de médias sociaux X, Elon Musk a déclaré que si Trump gagnait, il s'attendait à occuper un poste au sein du cabinet avec mission de réduire les dépenses du gouvernement fédéral. Dimanche, lors du meeting de Trump au Madison Square Garden de New York, Musk a annoncé prévoir une réduction du budget fédéral de l'ordre de 2 000 milliards de dollars.
Quelqu'un qui s'intéresse aux possibilités et aux dangers de l'IA est l'historien israélien Yuval Noah Harari (1976), l'auteur à succès planétaire de Sapiens : Une brève histoire de l'humanité (2014), Homo Deus : Une brève histoire de l'avenir (2015), 21 leçons pour le XXIe siècle (2021) et, dernier en date, Nexus, De l'âge de pierre à l'IA : une brève histoire des réseaux d'information – celle de l'avènement, dit Sanctorum, d'« un super-cerveau qui transcende la solitude humaine dans la culture de masse parce qu'il "connaît" tout le monde ». La technologie tient de plus en plus le premier rôle. L'homme prométhéen libère des pouvoirs qu'il ne peut pas contrôler. Horreur, horreur, se serait écrié Albert Camus.
De fait, Harari prédit l'émergence d'une techno-cratie dans toute l'ampleur du terme face aux masses qui se feront manipuler et aideront à se faire manipuler. Gazouillez, gazouillez, bonnes gens, et vous serez considérés (ou « cons-sidéraux », c'est selon ; Harari parle d'une intelligence extraterrestre). C'est à ce point de l'histoire que Sanctorum fait intervenir Musk, l'homme X qui a l'ambition de conquérir Mars (le projet n'est pas nouveau). Qu'est-ce qui pousse l'entrepreneur à soutenir Trump dont il sait que la défaite lui en cuirait (« If he loses, I am f*cked », a-t-il confié à Tucker Carlson) ?
Quoi qu'il en ait dit au départ, Musk investit dans l'IA et il ne serait pas Musk s'il ne voyait pas plus grand, beaucoup plus grand, que ses concurrents. L'avenir de l'IA réside pour lui, selon Sanctorum, dans une réorganisation radicale de la société, au sens où Yuval Harari la décrit : une société post-politique dominée par une machine super-intelligente. Dans cette optique, le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis est le partenaire idéal, trop malin pour s’en passer, pas assez malin pour s’en prémunir.
Obsédé par le pouvoir, Trump sait qu'il a besoin de rallier à sa cause la technocratie, « l'élite du silicium ». Leur intérêt commun est de démanteler le gouvernement classique (l'Etat profond détesté), un État fédéral qui, soit dit en passant, est le plus gros client de Musk, lequel, en outre, dispose avec Neuralink d'une entreprise qui tend précisément à brancher les cerveaux humains directement sur un super-cerveau central par le biais d'un implant. (A commencer par celui de Trump, lequel, rappelez-vous, était déjà prêt à se javelliser les poumons contre le coronavirus ? Allez savoir.)
Dans ce scénario dystopique, conclut Sanctorum, l'espoir est que quelques-uns puissent résister à la dominance de l'IA et s'unir pour former une contre-culture. L'aptitude humaine à la contradiction et à la dissidence est inestimable. Les langues qui échappent à l'uniformité anglo-saxonne qui règne sur le net, les idiomes locaux, les codes, mais aussi l'ironie et l'humour sont des facteurs importants à cet égard. Il suffit de se déconnecter. Il y a encore une vie en dehors de l'internet.
"Une société post-politique dominée par une machine super-intelligente" et une machine dominée par Elon Musk ...