Le dollar américain est-il sur le point d'exploser en plein vol ?
Trumponomics c. BRICSonomics+, et l'Europe dans le feu croisé
Une banque danoise spécialisée dans l'investissement en ligne et bien connue pour ses prédictions « extravagantes » à un an les a publiées pour l'année 2025. Parmi ses dix prédictions, arrêtons-nous à une, celle de son stratège « macro » en chef, selon lequel « Trump 2.0 va faire exploser le dollar ». Nous sommes tous concernés.
L'ordre mondial actuel, est-il rappelé, a été institué à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il l'a été sur la combinaison d'une garantie de sécurité américaine pour protéger les voies commerciales du monde libre et d'une utilisation du dollar US comme monnaie principale pour les transactions et comme réserve de valeur. Même après qu'en 1971 le président américain Nixon eut rompu le lien entre le dollar et l'or, le dollar américain a continué de jouer le rôle de monnaie dominante.
Après l'élection présidentielle de 2016, Trump fut le premier président à s'attaquer aux fondements de ce système mondial. Il imposa des droits de douane à l'import afin de corriger les énormes déficits commerciaux des États-Unis et il dénonça le coût du maintien du vaste parapluie sécuritaire américain. La pandémie a quelque peu freiné ses ardeurs et une nouvelle élection a amené Biden au pouvoir. On a pu croire que Trump était une anomalie, et non la nouvelle norme. 2024 a marqué son retour. Si Trump 1.0 n'était qu'un exercice d'échauffement, commente le stratège « macro », Trump 2.0 risque bien de faire de la démondialisation l'exercice principal de son prochain mandat avec toutes les conséquences monétaires et géopolitiques.
L'imposition de droits de douane massifs à l'importation de produits aux Etats-Unis reviendrait à réviser la nature des relations des Etats-Unis avec le reste du monde, surtout si elle s'accompagne d'une réduction drastique des dépenses et des déficits de l'Etat américain avec l'aide du département de l'efficacité gouvernementale dirigé par Elon Musk. La conséquence première en serait de réduire l'offre de dollars américains pour faire tourner le commerce mondial qui en dépend en grande partie et, ironiquement, en un premier temps, cela ferait grimper le cours du dollar US.
Nul doute que les acteurs économiques mondiaux ne se démènent déjà pour trouver des alternatives. La Chine et les BRICS+ (qui représentent 45% de la population mondiale et 35% du PIB mondial en parité de pouvoir d'achat) ambitionnent d'effectuer leurs transactions avec une monnaie numérique adossée à l'or (et, dans une certaine mesure, directement avec un nouveau yuan offshore adossé à l'or ; la Chine a recommencé à acheter de l'or, fait significatif) tandis que, prise dans le feu croisé, l’Europe espère fonder de plus en plus ses relations commerciales sur l'euro.
L'impact ultime de Trump 2.0 auquel il faudrait s'attendre, selon le stratège « macro », sur le marché financier serait un quadruplement du marché des cryptomonnaies, suivi d'une inversion de cours du dollar (avec une chute de 20% par rapport aux principales devises mondiales et de 30% par rapport à l'or). Malgré les hausses de salaires dues à l'inflation et au rapatriement des activités industrielles aux Etats-Unis, leur économie et les exportateurs américains en sortiraient gagnants.
L'avertissement lancé le 30 novembre par Trump sur sa plate-forme Truth Social à l'égard des pays du BRICS+ contre un remplacement du dollar américain comme monnaie dominante attribue un surcroît de plausibilité au scénario décrit. « Nous exigeons de ces pays qu'ils s'engagent à ne pas créer une nouvelle monnaie, ni à soutenir une autre monnaie pour remplacer le puissant dollar américain, faute de quoi ils seront soumis à des droits de douane de 100 % et devront s'attendre à dire adieu aux ventes dans la merveilleuse économie américaine », a-t-il écrit, concluant en langage fleuri que ceux bravant l’interdit devront « se trouver un autre pigeon ».
La Russie ayant fait l'objet de nombreuses mesures de rétorsion de la part des Etats-Unis à la suite de la guerre en Ukraine, le fait qu'un porte-parole du pouvoir russe déclare que le dollar américain a perdu de son attrait comme monnaie d'échange et comme monnaie de réserve ne surprend pas, ni que d'autres pays cherchent à échapper à l'exterritorialité de l'exercice du pouvoir américain et à échanger dans leurs propres devises. Le récent emprunt de deux milliards de dollars de la Chine à l’Arabie saoudite n'est toutefois pas sans ajouter du piment à ces considérations. Les menaces que Trump a proférées pourraient se retourner contre les Etats-Unis.
Reste que les Etats-Unis sont un état de droit - aussi imparfait puisse-t-il paraître -, ce dont fort peu d'autres pays au monde peuvent se targuer. Il est un autre élément dont curieusement ni les prédictions du stratège « macro » dont question ci-avant, ni les commentaires des uns et des autres ne tiennent compte, c'est que les Etats-Unis sont autosuffisants sur le plan énergétique. L'Europe ne peut qu’en rêver, elle qui est entravée par le carcan de l'idéologie et l'absence de sanction démocratique du niveau de pouvoir où celui-ci s'exerce réellement. (*)
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