La Big Tech américaine : une option pour sauver le nucléaire belge
Et créer de la prospérité au bénéfice de l'ensemble de la population !
The Associated Press et le Wall Street Journal ont annoncé le 10 janvier que Constellation Energy Corp., une entreprise américaine spécialisée dans l'énergie nucléaire dont le siège est à Baltimore dans le Maryland et qui fournit de l'électricité, du gaz naturel et des services de gestion de l'énergie à environ deux millions de clients sur le territoire continental des États-Unis, a accepté d'acquérir Calpine Corp., un autre producteur d'énergie, basé à Houston et actif dans 24 états américains ainsi qu'au Canada et au Mexique, pour la somme de 16,4 milliards de dollars. Le deal réunit deux des plus grands producteurs d'électricité américains avec une capacité de production combinée de 60 GW à un moment où la demande pour leurs produits est en hausse constante, notamment de la part des grandes entreprises du secteur de la technologie.
L'action Constellation Energy Corp. (CEG), qui valait 42 $ en 2022 et se situait à plus de 230 $ en novembre dernier, a bondi au-delà de 300 $. C'est assez dire l'intérêt qu'a suscité l'opération auprès des investisseurs. Cela s'explique par le fait que la donne s'est complètement inversée en faveur du nucléaire aux Etats-Unis. Energie considérée comme coûteuse alors que la demande d’électricité stagnait et que l'absence d'émissions de CO2 du nucléaire n'était pas un argument porteur auprès des gouvernements et des usagers, il en va tout autrement aujourd'hui, notamment en raison d'un changement de posture de la part des dirigeants des états américains sous bannière démocrate et des besoins en énergie pour l'intelligence artificielle (IA) et les centres de données (data centers).
En outre, les grandes entreprises technologiques actives dans ces domaines s'intéressent elles-mêmes à produire de l’énergie sans carbone, sans parler de ce que l'impact territorial (et écologique !) de la production d'énergie nucléaire est infiniment moindre que celui de l'éolien et du photovoltaïque. Dans un article du 24 octobre, The New York Times évoquait le fait qu'Amazon, Google et Microsoft investissaient toutes dans l'énergie nucléaire après que la grande presse eut annoncé que Microsoft avait conclu un accord avec Constellation Energy Corp. pour réactiver d'ici 2028 le réacteur no 1, fermé en 2019, de la centrale nucléaire de Three Mile Island. Selon une étude citée par Constellation, la réouverture de ce réacteur devrait créer 3400 emplois directs et indirects, ajouter plus de 800 MW d'électricité sans carbone au réseau et générer des milliards de dollars en autres activités économiques et en taxes.
Energie, industrie de pointe, emplois, taxes. Quel pays européen pourrait-il bien être demandeur ? Mais c'est bien sûr ! La Belgique ! Elle dispose de sept réacteurs nucléaires à eau pressurisée (PWR, pressurized water reactor), répartis sur deux sites, quatre à Doel (en Flandre orientale) et trois à Tihange (en province de Liège).
Doel 3 (puissance de 1006 MW), mis en service le 1er octobre 1982, a été mis à l'arrêt « définitif » le 23 septembre 2022 (trois ans, à noter, après la fermeture de TMI 1, le 20 septembre 2019, lequel va donc être réactivé). Doel 1 (445 MW, mis en service le 15 février 1975, fermeture programmée pour le 15 février 2025), Doel 2 (433 MW, 1er décembre 1975 - 1er décembre 2025), Doel 4 (1039 MW, 1er juillet 1985 - 1er juillet 2025, prolongé de 10 ans jusqu'au 1er novembre 2035) n'ont pas encore été mis à l'arrêt. (Source : AFCN, Agence fédérale de contrôle nucléaire.) De même, tandis que Tihange 2 (1008 MW, mis en service le 1er février 1983) a été mis à l'arrêt « définitif » le 31 janvier 2023, Tihange 1 (962 MW, 1er octobre 1975 - 1er octobre 2025) et Tihange 3 (1038 MW, le 1er septembre 1985 - 1er septembre 2025, prolongé de 10 ans jusqu'au 1er novembre 2035) n'ont pas encore été mis à l'arrêt. Il va sans dire que la remise à niveau de réacteurs existants coûte moins cher que la construction de nouveaux…
Une prolongation de la production des trois réacteurs dont l'arrêt est prévu en 2025 est-elle encore envisageable ? Certes, avant qu'il ne puisse en être ainsi, encore faudrait-il que les négociations en vue de la formation d'un nouveau gouvernement fédéral aboutissent enfin et que ledit gouvernement abroge toute affaire cessante la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité. Mais, si par la suite l'exploitant actuel des centrales belges se montrait réticent à reconsidérer une prolongation de ces trois réacteurs, le gouvernement, question de redorer son blason auprès de l'électeur qui l'attend depuis 8 mois et de faire honneur à son label de coalition « Arizona » (du nom de cet état du Sud-Ouest des Etats-Unis), ne devrait-il pas prendre langue avec de potentiels grands partenaires américains, d'autant que la technologie des réacteurs belges est d'origine américaine ? Il y va du bien-être des citoyens belges et d'une question de souveraineté nationale, laquelle prime sur les intérêts particuliers d'une entreprise privée, quitte à en réquisitionner le personnel sur le territoire belge.
La Belgique ferait coup double : sauver trois réacteurs supplémentaires (plus les emplois et recettes les accompagnant) et potentiellement attirer un partenaire industriel actif dans les secteurs d'avenir par excellence que sont l'IA et les data centers (cf. l'article du New York Times) et les SMR (petits réacteurs modulaires), sans compter qu'elle dispose d'un atout maître avec le projet MYRRHA développé par le centre nucléaire belge et pourrait fournir une électricité abondante mais à juste prix à son grand voisin que son Energiewende en a si malencontreusement démuni.
Enfin, si le nouveau gouvernement retrouve les 66 milliards d'euros de subsides accordés par le précédent qui ont « disparu » (sources : HLN, Sudinfo, RTL info), il pourrait même s'imposer en tant que partenaire à part entière dans tous ces projets (ce serait enfin investir et non dépenser) et assurer la prospérité des Belges pour les générations à venir, baisser leurs impôts et non s’ingénier à les ratiboiser. Faire dans le pragmatisme, et non l’idéologie. (*)
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