Aide-toi, le ciel t’aidera

Menu propos sur la clairvoyance rétrospective.

« Aide-toi, le ciel t’aidera. » C’est la morale de la fable Le Chartier embourbé de Jean de la Fontaine (1621-1695). Ou, comme l’a écrit Geert Bourgeois dans un article publié dans le journal financier De Tijd, « Help nu uzelf ». Cet avocat de formation fut du 25 juillet 2014 au 2 juillet 2019 ministre-président flamand. Membre de la Chambre des représentants pour la Volksunie de 1995 à 2001 et pour la N-VA de 2001 à 2004, il a aussi siégé au Parlement européen de 2019 à 2024.

Comme dans la nature, il y a des saisons en politique : celle des promesses, celle des compromis et, une fois à la retraite, celle des grandes vérités. A bientôt 74 ans (il les aura en juillet), Bourgeois est donc arrivé au stade la sagesse. Il proclame doctement que la Belgique va mal, que l’industrie fait face à de grandes difficultés, que les causes en sont connues (coûts salariaux et énergétiques débilitants), qu’il y a trop de règlementations, lesquelles inhibent le sens de l’initiative – tiens ! tiens ! voilà qui surprend -, que les coûts des « ambitions en matière de climat » ne cessent d’augmenter – pour un retour nul, NDLR – tandis que la Chine avance ses pions et que Trump se la joue en cowboy solitaire.

Geert, appelons un chat, un chat : en ce qui concerne le climat, ce ne sont pas des ambitions, mais des lubies, et celles-ci ont, de fait, un coût stratosphérique que ni l’Union européenne, ni ses Etats membres ne peuvent supporter. Pas besoin de ménager la chèvre et le chou ! D’ailleurs, dites-nous, êtes-vous intervenu à ce sujet dans les débats au Parlement européen dont vous fûtes membre de 2014 à 2019 ?

« L’éléphant dans la pièce est souvent fabriqué par l’UE, avec des réglementations contraignantes, des amendes élevées et des obligations de déclaration de plus en plus nombreuses », écrivez-vous. « Sous la houlette de Frans Timmermans, commissaire européen dans la précédente Commission de la présidente Ursula von der Leyen, une avalanche de règles se sont ajoutées au Green Deal, un vaste ensemble de mesures visant à rendre l’UE neutre sur le plan climatique d’ici à 2050. Le mantra de la Commission dirigée par Jean-Claude Juncker [2014-2019] – big on big things, small on small things – a été jeté à la poubelle. Tout cela a entraîné un désavantage concurrentiel encore plus important. »

Mais alors, pourquoi les trois parlementaires européens de la N-VA – Assita Kanko, Kris Van Dijck et Johan Van Overtveldt – ont-ils voté en faveur de la reconduction d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne pour un second mandat en 2024, malgré les réticences de votre propre groupe politique européen, les Conservateurs et Réformistes européens (ECR), dont la majorité s’est opposée à cette reconduction ?

Vous dites que pleurnicher ne sert à rien et qu’il faut réformer en profondeur et vous nous assurez que le gouvernement De Wever s’y attelle. Prenons-en bonne note, car jusqu’à présent, il a semblé plus préoccupé par « taxer les épaules les plus larges » que par la suppression des niveaux de pouvoir et mandats politiques superflus et la réduction de la taille de l’énorme fromage politico-institutionnel belge.

En ce qui concerne l’Union européenne, vous plaidez pour la déréglementation, pour la libération du marché des capitaux, pour une révision drastique du budget européen afin de soutenir la recherche et l’innovation ainsi que les investissements dans les infrastructures et la défense. N’oubliez pas de faire passer le message aux euro-parlementaires de votre parti, dès fois qu’ils ne liraient pas De Tijd.

Quoi qu’il en soit, votre article a au moins le mérite de révéler une vérité que nous connaissions tous : les politiciens deviennent brillants, une fois qu’ils ne sont plus au pouvoir. Merci Geert, merci de nous dire aujourd’hui ce que vous auriez pu faire hier. Vous êtes l’illustration parfaite de cette grande tradition politique : la clairvoyance rétrospective. Quant à « nous aider nous-mêmes », nous ne demandons pas mieux. Dommage que des politiciens nous en empêchent ! (*)

(*) Soutenez ce site en achetant Ces vaniteux nous enfumant et leurs drôles d'idées – L'Europe sous l'emprise de l'idéologie (sur Amazon France avec livraison gratuite en Belgique et, sous condition, en France).